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19 juin 2013 3 19 /06 /juin /2013 21:51

 

Notre petit jardin n'a rien de bien superbe

c'est un gentil fouillis de feuillage odorant

qui fleure bon la terre humide et l'origan,

où la touffe de fleurs jouxte la mauvaise herbe.

 

Ce matin, il est neuf et lavé par le vent,

chaque jeune bourgeon qui s'ouvre, chaque abeille

nous semblent un cadeau dont le coeur s'émerveille,

comme une eau paresseuse on sent couler le temps.

 

Les feuilles du figuier tendent leur main de jade

vers le soleil levant pour happer ses rayons

que traversent déjà les premiers papillons,

la mésange se perche aux branchettes du cade.

 

Le ballet bien réglé des neuves floraisons

journée après journée dévoile son spectacle,

chaque arbre qui fleurit nous promet le miracle

des fruits gorgés des sucs de l'arrière-saison.

 

Prisonniers consentants du cycle de la vie

emportés par son flot invisible et mouvant,

dans la fraternité de chaque être vivant

tendons vers le ciel bleu notre âme inassouvie !

 

Auteur : Dago Laborel - 03/04/2011 -

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15 avril 2013 1 15 /04 /avril /2013 22:09

Secoue au moins le vide insultant qui te borne

Avec l'oeil nébuleux d'une revêche nuit.

Ne goûte plus jusqu'à vomir le crachat morne

Du médiocre qu'étouffe une écharpe d'ennui.

 

Hume tes mots, sème ta voix, hisse tes rêves,

Décapite les murs flageolants à moitié,

Et fais encore en magicien des blondes grèves

S'élargir sous ta foi l'horizon tout entier.

 

Que peuvent les corbeaux que la vermine écrase ?

N'es-tu pas né pour vivre et plus noble et plus grand,

Né pour saisir et mordre au sel de toute phrase

Un peu du coeur naïf d'un soleil pénétrant ?

 

N'es-tu pas là, si fort et si plein de toi-même,

Si royalement jeune et constellé d'ardeurs,

Oui tellement chéri par l'immensité même

Qu'un enfant y boirait ses futures splendeurs ?

 

Le monde est vieux, bien sûr, mais l'aube n'a point d'âge.

Les jours sonnent, vêtus comme d'amples secrets.

Au-delà de tes mains, l'heure en vagabondage

Imprime à chaque élan on ne sait quoi de frais.

 

Le beau ciel presque nu teint les eaux rayonnantes.

La mer adamantine a des jeux orgueilleux.

Du fond de leur clameur, soûles, tourbillonnantes,

Les vagues à l'envi brassent le merveilleux.

 

Vois trembler le matin à la musique neuve

Et vers l'azur égal sangloter les embruns,

Cueille le songe auquel ton infini s'abreuve

Quand, délice d'écume, il jaillit des flots bruns.

 

Oh ! combien il te faut de soifs à ta mesure,

Combien... combien tu veux, libre d'aucun soutien,

Ici toujours, malgré la haine et la brisure,

Déchirer l'habit sale où le vil te retient !

 

Sur les lames, regarde ! Un vol blanc de mouettes

Embrasse l'or liquide au souffle bondissant ;

Car il n'est Miel dont maintes fois tu ne souhaites

Sentir à pleins poumons le goût bouleversant.

 

Plus loin, dans la ferveur capiteuse et la gloire,

Le vent large médite au seuil de l'éternel,

Et la lumière aiguë aux feux de sa mémoire

Rend le monde à son verbe immense et fraternel.

 

O rien ne dit assez l'éclat de ta naissance!

L'onde croule sans fin de chavirants échos.

En toi monte et s'agite une claire puissance

Mêlée à la chaleur des roulis amicaux.

 

Hymnes, fécondité, parfums d'avant déluge,

La mer lave les rocs ; l'air est délicieux.

Va d'une seule haleine y puiser un refuge,

Plein du sang de ton coeur ! plein du cri de tes yeux !

 

Auteur : Thierry Cabot - 12/04/2013 -

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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 21:27

Lève le camp. Ils meurent tous de ne point vivre.

Chez eux, à coups félons, halète la rancœur.

A les voir écumant, l’œil jaune et le poing ivre,

Qui ne leur jetterait son idéal au cœur ?

 

Oh ! Cependant, il est quand même aussi des hommes

Dont le rêve à tâtons secoue un pan du ciel,

Et que loin de l’alcôve où laidement nous sommes,

Le temps fait rayonner comme l’amour sans fiel.

 

Poète, sois des leurs dans ta musique ardente.

La bouche de l’ignoble enfante les vieillards.

Deviens celui qui pose un fabuleux andante

Sur les chemins fourbus et noyés de brouillards.

 

Sois tout ce que d’aucuns voudraient t’empêcher d’être.

L’abominable siècle osera-t-il jamais,

Au fond de l’avalanche obscène du paraître,

Ensevelir ta voix promise aux blancs sommets ?

 

Non, ce n’est pas demain que se tairont les anges.

Des ailes tour à tour ébauchent leur envol.

Les vivants sont ailleurs, nés pour d’autres vendanges

Et doués d’une flamme à soulever le sol.

 

Nul mieux que toi ne court du brin d’herbe à l’étoile ;

Nul ne raconte mieux le sublime et le saint ;

Nul encore quand l’aube immobile se voile,

Ne sait mieux conquérir quelque mouvant dessein.

 

Avec tes mots brandis au cœur loyal des choses,

Le vertige est plus clair et le sort plus aigu,

Le vent goûte, assoiffé, de foisonnantes roses

Et l’éden cajoleur n’a plus rien d’ambigu.

 

Aucun n’embrasse mieux les destins ou les mondes ;

Et s’échappant, filant, vibrant jusqu’au soleil,

S’illuminent en chœur ces minutes fécondes

Qu’en vain, mirage amer, on enlace au réveil.

 

Tu nous connais si bien du feu de tes mains pleines ;

Tu déroules si haut les cantiques des forts :

Echarpe longue et chaude, hymne au-dessus des plaines,

Embrasement levé parmi les vastes ports.

 

Combien chez toi l’oiseau, le nuage et la foudre

Ont la suavité d’un éclat de velours ;

Combien dans la fleur même en train de se dissoudre,

Tu suscites la graine où tout revit toujours.

 

Toujours ! les nids fameux, l’abeille qui s’étonne,

Toujours ! l’été nomade aux éclairs palpitants,

Le bois charnel ému sous les doigts de l’automne

Et l’hiver consumé par la foi du printemps…

 

Mais tout à coup, mais tout à coup ce flot vacille.

Un maléfique trouble ensemence la peur.

Le vulgaire allongé tel un mesquin bacille,

Empoisonne ton verbe emplumé de torpeur.

 

A terre, blême, éteint, le sommeil sur la joue,

Tu ne cultives plus que des mots expirants

Pendant que la bêtise infatigable joue

A travers les faisceaux lumineux des écrans.

 

Poète, hélas ! il est bien tard ; à peine était-ce

Une chimère peinte aux lèvres de l’ennui.

L’heure est au haïssable, au vide, à la tristesse

Et la malignité n’aime que trop sa nuit.

 

Nulle âme ne fendra les confins nus des songes.

Va, tu n’es déjà rien avec ton bleu pavois.

Le troupeau gigantesque et repu de mensonges,

Bêle à n’en plus finir pour étouffer ta voix.

 

Auteur : Thierry Cabot - 09/10/2012 -

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5 mars 2013 2 05 /03 /mars /2013 02:07

Voulez-vous m’écouter, juste quelques instants.

C’est vrai la vie est dure et parfois monotone,

Certains jours l’enfant rit, d’autres le canon tonne,

Certains jours sont obscurs, d’autres sont palpitants.

 

La Nature est cruelle, on l’a dit de tous temps !

Mais qu’en est-il en fait lorsqu’arrive l’automne

Et que retentit l’air que le tocsin entonne

Pour ceux ayant vécus comme des pénitents ?

 

Ne se disent-ils pas, vers la fin de leur route

Que l’existence est brève, et que, sans aucun doute,

Si c’était à refaire ils vivraient autrement ?

 

Mais le rêve a filé... Le reste est illusoire ;

Car s’il est un « ailleurs », irrévocablement,

Vivre sans passion, c’est partir sans mémoire.

 

 

Auteur : Aldébaran 

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19 février 2013 2 19 /02 /février /2013 19:23

 

heurtoir-bisou-366x550La poésie est d'abord une expérience. L'expérience de l'éternité de l'instant présent et de l'universalité de l'endroit où l'on est, ici-partout et maintenant-toujours.

Par ce terme d'ouvrance poétique, je signifie que pratiquer la poésie, à la fois comme lecteur assidu et comme écrivain régulier, n'est pas simplement une ouverture mais une action permanente de découverte d'un Sans-Fond dans l'existence. Sous cet angle, l'ouvrance poétique s'intéresse à la poétique philosophique, tendue vers le silence, de l'approche apophatique des mystiques rhénans, mais dans l'esprit d'une spiritualité laïque de penseurs athées et non-dualistes. En cela elle tisse le paradoxe avec la nécessité du verbe dans le christianisme.

L'Ouvrance commence par l'Ouvrir.

S'agit-il d'une porte intérieure à la psyché qui s’ouvre comme le pensait le poète argentin Antonio Porchia, sur cent portes fermées ?

Sans doute, car ouvrir est un acte qui semble bien s'en tenir à un fait enseveli dans le passé dès qu'il est accompli. Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée. Une fois la porte ouverte, elle l'est pour toujours.

L'existence réelle est une telle porte. Naître est un fait que jamais plus personne ne pourra contester, même si la naissance ne dure qu'une minute.

Mais la véritable naissance est celle de l'ouverture à son ipséité, au fait d'être là, dans sa singularité, ici et maintenant, pour le meilleur et pour le pire.

Dans un premier moment, l'Ouvrance poétique est de cet ordre. Elle nous fait passer par une ouverture - un "Ouvert" dont nous parlait Rainer Maria Rilke, qui nous change radicalement à l'intérieur de nous-mêmes.

Pendant longtemps nous écrivons de la poésie sans être ouverts. Nous circulons dans un espace clos, celui de nos rêves liés à tous nos conditionnements passés et à nos impuissances d'agir. Krishnamurti, (comme d'autres sages), affirme qu'il ne rêve pas. Le spécialiste des rêves et du cerveau en doutera certainement.

Dans cet espace-temps les mots sortent de nos lèvres, gonflés de regrets, d'échecs inconscients, d'espoirs déçus.

La poésie qui en résulte , souvent encore très juvénile, demeure tirée vers le passé par la mémoire et porteuse d'avenir par une espérance incompréhensible.

L'ouverture ne constitue pas encore l'Ouvrance et même à ce moment, la vie poétique n'a pas encore rencontré l'Ouvert. Elle s'inscrit plutôt dans un manque à être comme expression d'un élan vers un plus être englué dans les pesanteurs d'un plus avoir.

Un jour pourtant un poème jaillit comme un craquement dans l'être-soi, derrière le moi aux mille facettes. Moment de retournement où un gouffre se dessine et un horizon inconnu apparaît. Un sens s'affirme et se donne à voir dans un regard intérieur, par le biais d'une image, d'un son, d'un rythme, d'un geste, de la couleur d'un mot surpris dans sa fraîcheur native. Ce peut être le mot "brindille", "jonquille", "crépuscule", "girouette", "frondaison", "coquelicot", "peuplier"...

Parfois c'est tout une suite sémantique qui surgit comme un courant d'air dans les feuilles mortes de nos représentations et les éparpille tout à coup. Le vers d'un poète, par exemple. "Mon amour si léger prend le poids d'un supplice" dit Paul Éluard à la mort soudaine de sa femme Nush.

Nous voilà emportés pour toujours par l'image qui s'infiltre à notre insu dans notre existence. Une image qui fait des vagues dans notre être. Elle fut là au moment même où ma compagne disparut en quelques instants, dans mes bras, au petit matin, un jour d'hiver.

Un chemin nous saisit mais nous ne savons pas où il nous conduit. L'Ouvert nous entraîne dans un "entre deux" qui n'est ni notre réalité quotidienne ni une réalité qui serait déjà reconnue. Un "no-man's land" de l'esprit. Un brouillard qui s'appesantit. C'est l'instant de la Brêche dans le monde des certitudes de notre moi superbe. Jamais plus la porte ne se refermera. Nous restons immobiles sur le seuil, entre l'acceptation de ce qui advient et le repli frileux de ce qui a été.

L'Ouverture est de cet ordre. Être sur le seuil sans savoir ni quoi faire, ni que dire, Notre comportement peut paraître complètement étrange, comme ce fut le cas pour Krishnamurti à la mort de son frère Nitya ou comme celui de son homonyme UG Krishnamurti déambulant sans but, loin de sa famille, dans les rues d'une ville anglaise. Le grand sage Ramana Maharshi, à 16 ans, après un "Ouvert" sans pareil, pris trois sous et partit pour toujours vers la montagne d'Arounacha où il devait aller. Shri Aurobindo fut transformé dans sa prison de révolutionnaire. Paul Claudel vacilla sur son être contre une colonne de Notre-Dame de Paris.

Je me souviens de l'effet bouleversant pour moi à la lecture d'un vers de René Char, à propos de la chute d'un poème l'Alouette : "Fascinante on la tue en l'émerveillant". ou encore de ce mot de ma petite fille de quatre ans, sur le bord de la mer en Bretagne : "Regarde papa, il n'y a plus d'eau dans la mer !".

Moment qui peut se vivre dans l'émerveillement si bien décrit par le philosophe Bertrand Vergely mais aussi dans l'acédie, la déréliction la plus complète. Tous nos repères s'évanouissent dans la brume. Un néant s'ouvre sous nos pas.

À moins que le contraire ne s'affirme péremptoirement. C'est le règne de la toute-puissance de la croyance à la parousie enfin réalisée au coeur d'une imagination débordante qui déguise si bien ses leurres en fantômes miroitants.

L'Ouvrance est un dépassement de cette ouverture impromptue par la reconnaissance de l'élan de la vie en nous-mêmes, non comme un fait qui s'est produit et dont on ressasserait le souvenir, mais comme un fait très simple, en permanent jaillissement. René Char l'a magnifiquement écrit : "Etre du bond. Ne pas être du festin, son épilogue". Un élan vers le rien, dans le rien, pour le rien, pour de rien. Le coeur même de l'élan sans cause, sans justification, sans interprétation, et sans finalité. La joie d'être en vie, d'être dans le jaillissement, même au sein de la plus contraignante immobilité.

Puissance d'agir "en esprit" reconnue paradoxalement dans la réalisation la plus impossible. Ce fut le cas de mon amie Danielle Legros immobilisée totalement et à l"agonie après une maladie invalidante, qui impressionna si fort le président François Mitterand venu la voir sur son lit d'hôpital dans le service des soins palliatifs de la psychologue Marie de Hennezel. Cet état d'être fait dérailler toutes les logiques les plus assurées.

L'Ouvrance est cet élan qui ouvre les portes au fur et à mesure qu'elles apparaissent tout en sachant que la porte existe et n'existe pas.

L'Ouvrance poétique se constitue comme l'expression de cet élan vital, existentiel, dans les mots, les images, les rythmes au fond d'un silence qui cherche son nom et qui reste à découvrir et à approfondir jusqu'au dernier souffle de notre vie. Dans cette perspective peut-on reprendre alors l'interpellation du philosophe chrétien Maurice Zundel : "l'homme peut-il se faire homme ?" en dépassant la jungle de ce qui, en son for intérieur, est barbarie toujours possible. A la question : « Croyez-vous en Dieu ? » Maurice Zundel répondait simplement : « Et vous, croyez-vous en l'homme ? »

 

- Auteur : René Barbier -

 

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4 février 2013 1 04 /02 /février /2013 18:45

Assis sur la margelle du puits, l'homme souriait béatement à la vie: son maître l'avait laissé là, à la forge et avait continué sa promenade vers le souk; là, c'était à la forge, pour récupérer une aiguière de cuivre ciselée d'argent dont l'anse s'était dessoudée après une chute. Oui, la vie était belle et douce par ce matin d'Avril, à Damas, juste avant que le soleil ne soit trop vif à la peau; le jasmin embaumait l'air malgré l'odeur âcre du fer que martelait le forgeron en gerbes d'étincelles: on aurait dit un diable, le dieu des enfers: bras puissants, yeux exorbités des coups qu'il frappait de sa lourde masse: il forgeait une lame.

 

L'esclave sourit aussi à la pensée de Myriam, fine liane aux petits seins bien rebondis et fermes, qui le dévorait des yeux et lui avait souri; c'était la fille du cuisinier; bientôt, il la coucherait, c'était sûr...

 

Oui, il était heureux: esclave auprès d'un bon maître; son passé d'homme libre, là-bas, en France, estompé par les ans, vingt ans déjà, était devenu une abstraction, un rêve sans consistance.

 

Hummm !!! Encore l'effluve du jasmin qui grimpait la treille; et, juste devant, un oranger avec ses fruits encore verts. Plaisir des yeux; pensée à son ami Juan qui ignorait ce plaisir: à l'âge de huit ou neuf ans, on lui avait brûlé les yeux avec une barre incandescente, pour qu'il serve aux bains; c'était à Grenade. Depuis, son domaine était les toilettes où il vaquait à ses travaux ménagers, ombre errant parmi les ablutions des maîtres et maîtresses. Mais il entendait tout et parfois, ce qui était interdit d'entendre.

 

Le forgeron a plongé la lame du sabre dans les braises que deux gamins attisent en appuyant sur un énorme soufflet de cuir; puis il la ressort, étincelante à blanc, brandie par la poignée de sa paluche protégée par un épais chiffon: il l'observe d'un œil averti mais assez satisfait, la tourne, pointe fumante sur son fil, vers le ciel. Puis, de sa démarche pesante, affable, il s'approche de l'esclave assis sur la margelle; qui se redresse, prêt à se confondre d'admiration pour l'œuvre achevée. D'un geste vif, le forgeron a plongé jusqu'à la garde l'arme qui s'enfonce dans le ventre dans un grésillement de chairs et de sang brûlés. L'esclave se courbe, bouche ouverte dans un cri silencieux, en forme de O, regarde la garde de l'épée en place de son nombril, sent la douleur vive de la pointe qui lui a traversé le dos et tombe à genoux; juste à ce moment, le forgeron retire la lame et le corps s'affale sur le gravier de la cour, secoué de trois ou quatre soubresauts. A nouveau l'artisan brandit le sabre vers le ciel et en observe toutes les zébrures qui en affectent l'acier. A son ordre, deux silhouettes s'emparent du cadavre et le traînent hors de la cour.

 

Trois siècles plus tard: sur une balancelle couverte d'un drap de soie, à l'ombre d'un oranger et d'une treille croulant sous le jasmin fleuri où bourdonnent quelques abeilles... je tourne ce sabre et en admire la lame damasquinée.

 

- «Ils savaient travailler en ce temps-là!» me dit le maître des lieux qui m'a raconté comment à l'époque et ici, en Syrie, on rendait la lame des épées aussi souples, comme nulle part au monde. Et aujourd'hui, on sait qu'il est vrai que l'acier battu à blanc, trempé dans l'hémoglobine, acquière cette souplesse légendaire: une réaction chimique, je ne sais plus le terme qu'il a employé.

-  «Cette arme est superbe !!! Et mérite sans doute le prix que vous en proposez...

 - Oui... et même bien plus; mais pour vous... Regardez, à la garde: ciselé, en arabe, c'est le nom de l'artisan; un grand artiste. Elle est belle, hein ???

- Mais vous savez bien que je ne suis pas venu pour ça; par contre, l'aiguière en cuivre et argent, elle me plaît beaucoup.

- Je vous ai montré ce sabre, juste pour le plaisir des yeux. Désirez-vous un café ???» et il tapa des mains; aussitôt surgit un escla... un domestique.

 

Auteur : Moniroje

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2 février 2013 6 02 /02 /février /2013 19:44

Où vont-ils tous ces mots qu'on lance dans l'éther ?

D'un clic indifférent, les met-on en poubelle ?

Restent-ils ignorés dans le silence amer

D'un disque dur dormant d'où nul ne les rappelle ?

 

L'amour et l'émotion dont ils étaient chargés

Seront-ils à ranger parmi les lettres mortes ?

Aucune âme sur terre, à ces mots naufragés,

N'offrira-t-elle donc les soins qui réconfortent ?

 

Ne perds pas tout espoir, poète désolé !

Nos mots vont leur chemin au rythme qu'ils choisissent.

Aujourd'hui somnolent, et demain endiablé !

Accorde-leur le temps qu'en nos coeurs ils mûrissent...

 

C'est pour toi, tout d'abord, que chante ton clavier.

Tes mots forgent ton coeur, élèvent ta conscience

Avant que d'émouvoir les foules extasiées...

C'est parfois long, le temps de la reconnaissance.

 

Auteur : Jacques Fabre

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31 janvier 2013 4 31 /01 /janvier /2013 21:54

Que voulais-tu atteindre toi

haut comme trois pommes

en levant une main trop courte vers cette haute

étagère ? Y sommeillait-il une étoile

cachée au fond d’un pot de confiture ?

 

Et le jour bien des années plus tard

où l’ouragan avant le sommet de cette aiguille alpine

t’a forcé à redescendre parmi les rafales

dans les brumes angoissantes

et plus jamais tu n’as pu y remonter ?

 

Quel sens donner à tous ces renoncements

forcés par une impuissance quotidienne ?

À cette main toujours tendue et qui n’atteint pas

même en la prolongeant d’un stylo ou d’un crayon

l’éden au-delà de l’espace intangible du papier ?

 

Auteur – Xavier Bordes

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31 janvier 2013 4 31 /01 /janvier /2013 21:37

 Ô souvenirs bannis d’une banale enfance, monde muré, mes paumes glissent sur vos cloisons invisibles.

 

 Nous n’étions pas heureux, mais que me soient rendues quelques clefs, que me soit offerte comme ultime cadeau l’essence même de ce temps, nos paradis perdus. Nouveaux, nous allions nus parmi les fleurs et le ciel parfumé enveloppait de bleu nos membres neufs.

 

 Nous n’étions pas heureux, mais qu’on me rende la mélancolie première, pure, si douce au cœur, et la couleur aussi des soirs qui l’enlaçaient, l’odeur grise des trottoirs tièdes encore des lourds après-midi, les bornes de la rue qu’étoilait le mica. Une fois, une fois encore, le vent de nos courses et le silence de nos désirs, est-ce trop dire ?

 

 Nous n’étions pas heureux, mais que je goûte encore ce que mon corps veut oublier, l’infini plaisir de la détresse, l’amoureuse chaleur des larmes, l’indicible saveur du malheur… Nous disions au temps immobile « file, fuis, franchis pour nous quelques coudées, vite, va… » Et il allait.

 

 Et il allait.

 

Ninon Rolland-Jacquet (Mai-juin 2010)

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31 janvier 2013 4 31 /01 /janvier /2013 20:56

Il avait vécu trop de temps pour ne pas aimer mourir, alors c'est à la mi août qu'il partit, dans sa sieste. Il ne fit que s'arrêter de respirer. C'est l'Adrienne qui le trouva étendu, souriant, paisible et encore tiède quand elle arriva en fin d'après midi pour lui préparer le repas.

 Ca faisait bien quarante cinq ans que tous les jours à la même heure elle poussait la porte, se mettait au travail, silencieuse, un peu revêche.

 

 Aujourd'hui c'était l'Assomption et voilà 8 mois que Mr le curé avait annoncé en chaire que l'Eglise venait de reconnaître l'immaculée conception de Marie, Adrienne, qui n'avait pas attendu cette reconnaissance pour y croire, se demandait quand est-ce qu'on se déciderait à se rendre à l'évidence de la réalité de l'Assomption.

 Marie était vierge et les anges l'avaient monté au ciel, tout le monde savait ça. Et puis Marie, c'était sa préférée dans les évangiles. Jésus bien sûr, mais Marie surtout. Ca c'est quelque chose qu'elle n'avait pas dit à Mr le Curé, même en confession.

 Elle dressait la table, quand, par l'entrebâillement de la porte de la chambre elle l'aperçu. Elle l'appela.

 Comme il ne répondait pas elle s'avança, lui mit la main sur l'épaule et aussitôt comprit.

 Il aurait dû avoir quatre vingt douze ans dans deux jours. Elle pleura sans exagération, puis le mort étant en liquette, elle l'habilla de sa plus belle soutane, arrangea ce qui lui restait de cheveux blancs et sortit prévenir le voisinage.

 

 Il y avait bien longtemps, le curé avait dit à Adrienne: "Lorsque je mourrai, si vous pouviez dire au menuisier de me faire un cercueil en forme de barque, je serais heureux d'y entrer, parce qu jour je sais que j'irai en Amérique." Il avait parfois des idées comme ça et qu'elle ne répétait pas car a t-on déjà entendu un curé mort qui préfèrerait les Amériques au paradis?

 Elle l'aimait trop pour le faire mal voir de sa hiérarchie. Pour les gens comme elle par contre, c'est pas pareil, l'Amérique c'est un peu le paradis, et elle comprenait quand même...

 Alors c'est ce qu'elle fit. Elle demanda un cercueil solide, avec des planches épaisses, en chêne, elle pria l'artisan de soigner les assemblages, de ne pas plaindre l'étoupe et le goudron pour que cette barque soit étanche plus de mille ans!

 Quand on le posa au fond du trou elle se disait que c'était bien une drôle d'idée, que là où il était, c'était pas demain la veille qu'il s'en aille, mais elle avait la sensation d'avoir fait ce qu'elle devait faire.

 Elle quitta le cimetière la dernière, le portail grinça quand elle le referma, elle regarda encore un peu le soleil rosir les tombes, la journée avait été trop chaude pour ne pas souhaiter cette fraîcheur que le soir promettait.

 "En Amérique! " murmura t-elle...

 

 Les gels vinrent à bout de la stèle, elle disparu peu à peu, par fines plaques qui se confondirent avec la terre, le village se dépeupla, et le monde oublia le cimetière envahit d'herbes mauvaises, son enclos s'effondra.

 Plusieurs années pluvieuses amollirent l'argile qui lentement, glissa sur la pente du socle rocheux qui la supportait. Ce fut tout un travers qui, le 11 novembre 1918, se jeta dans la Dordogne, mais le coin était désert, éloigné de tout, en amont d'Argentat et ce jour là les Hommes ne pensaient qu'aux cloches qui enivraient l'air si joyeux de l'armistice et de la paix.

 Au fond de l'eau noire d'automne, la terre fut emportée en libérant la barque du curé. Elle remonta à la surface comme l'aurait fait une bulle se dégageant de la vase.

 La Dordogne était marchande et ses riverains trop occupés à la ripaille pour se soucier de ce qu'elle portait.

 Le trajet dura cinq jour jusqu'au bec d'Ambez, notre barque s'échoua sur la pointe de l'île Cazeau car la marée était basse et remonta la Garonne avec elle quelques heures plus tard. A Bordeaux appareillait un navire en partance pour le Mexique c'est en manoeuvrant que la chaîne de l'ancre remonta le cercueil contre la coque. Un matelot l'aperçut lorsqu'ils furent en mer. Le capitaine donna l'ordre de hisser la caisse sur le pont, et ne sachant ce qu'elle contenait la fit ouvrir.

 A la vue des ossements il décida de le remettre aux autorités lors du débarquement à Vera Cruz.

 On m'a dit que c'était le 15 août 1919 que le cercueil fut rapatrié sur la commune de Spontour et placé dans le cimetière communal. Ce ne fut possible que parce qu'on trouva, au beau milieu des os une plaque de cuivre où quelqu'un avait gravé avec un stylet "Antoine Pesteil (1763-1855), curé de Spontour en Corrèze, que j'ai tant aimé. A."

 

- Auteur : Pierre -

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